Ce que nous possédons

A chaque croyance qui s’évapore, il y a de la place pour ce que nous sommes. S’incarner, jour après jour, c’est certainement se détacher de nos croyances.

Faire de la place en nous, se défaire de nos habitudes, de nos loyautés, afin de s’ouvrir au Choix, à tous les possibles. Garder ce qui nous soutien, ce qui nous libère, ce qui nous console, ce qui nous guérit, ce qui nous inspire. Se défaire du reste, tous les jours. Car il est possible de décider à chaque instant de vivre notre vie sans s’identifier à celle qui nous paraît avoir été la nôtre dans le passé. Il est possible de vivre un autre présent que le passé auquel nous nous sommes identifiés. Car il est possible de changer toutes nos habitudes. Et toutes les identifications ne sont que des habitudes. Toutes les loyautés ne sont que des habitudes. Toutes les croyances ne sont que des habitudes. Toutes nos petites voix, ne sont que des habitudes.

Partir en voyage, longtemps, c’est souvent l’expérience de perdre beaucoup de nos habitudes, de se décoloniser l’esprit. Partons en voyage dans notre quotidien, dans notre façon d’habiter notre existence. De nous habiter.

Grandir avec une maman qui ne regarde pas l’enfant, qui se regarde à travers les manifestations de l’enfant, c’est prendre deux habitudes (entre autres) : celle de regarder sa mère comme elle souhaite être regardée et celle de se battre pour qu’elle nous regarde. Et si nous décidons de perdre ces habitudes, d’accepter que notre mère soit la personne qu’elle est, et de prendre la nouvelle habitude de s’ouvrir et d’accueillir en soi toutes les « mères » justes qui nous entourent et qui nous regardent et se laissent regarder telles qu’elles sont ? Que se passe-t-il alors ? Qu’est-ce que cela change dans notre quotidien ? Comment l’énergie de la trêve (avec notre propre mère) et l’énergie de l’acceptation de toutes les manifestations de relations justes avec des femmes transforment concrètement toutes nos expériences ? Et nous est-il alors possible de se montrer telle que nous sommes, entièrement ?

Grandir avec un père violent peut créer deux habitudes (entre autres) : celle de vouloir briser et minimiser l’expression du masculin – sans discernement – y compris en soi, et celle de rechercher le lien avec le masculin que nous connaissons par « loyauté » envers son père (en réalité, par habitude). Que se passe-t-il si nous acceptons de faire de la place en nous en redonnant toute la responsabilité du comportement paternel au père, et de prendre toute la responsabilité de la conservation des habitudes ? Que se passe-t-il si nous acceptons d’abandonner le combat, de laisser le père tel qu’il est, et de s’ouvrir à toutes les manifestations du « père » juste, du masculin positif qui nous entourent ? Que nous arrive-t-il alors dans nos relations quotidiennes lorsque nous nous ouvrons et accueillons tous les « pères » justes, qui nous respectent ? Que se passe-t-il lorsque l’énergie du masculin est accueillie ?

Que se passe-t-il concrètement lorsque nous abandonnons nos habitudes de vie avec les féminins et masculins négatifs auxquels nous nous sommes identifiés et que nous prenons l’habitude de vivre avec les féminins et masculins positifs qui existent ? Que se passe-t-il lorsque nous acceptons d’accueillir la totalité de l’expérience en nous à partir de maintenant ?

Que se passe-t-il si je prends l’habitude d’accepter tout ce qui se présente à moi lorsque j’inspire ? La totalité de l’expérience ? Je remplis mes poumons bien autrement, mais pas seulement. Je fais aussi, et surtout, l’expérience que dans l’inspire, quelque chose inspire à travers moi, mon corps, et pas seulement dans les poumons. Et dans cet inspire totale, je fais l’expérience que ça s‘inspire (et pas seulement que ça inspire). Une boucle, un cercle. ça s‘inspire.

Que se passe-t-il si je prends l’habitude d’accepter que toute expérience est une proposition d’éveil ? Si je prends l’habitude d’accepter la totalité de chacune des expériences ?

Alors, comme un miracle, la grâce de ressentir s’élever en soi et à travers soi cette gratitude infinie d’avoir vécu toute la vie qui nous a été proposée, depuis le premier jour de conception jusqu’au dernier souffle, qu’elles qu’aient été et seront les expériences qui se sont succédées et continuerons de se succéder. Alors la grâce d’expérimenter que nous ne sommes pas ce corps mais que nous sommes avec lui.

Le vertige que nous n’existons pas, que seul « quelque chose » s‘existe.

Et cette gratitude est entière, soumise à aucune condition et restreinte d’aucune recherche de bénéfice secondaire. Et ce vertige ne procure aucune peur.

Nous ne possédons rien sinon notre responsabilité (en tant qu’individu, en tant que moi), tout le reste est en partage, car nous sommes tout. Nous comprenons que nous nous excluons de nous même lorsque nous excluons les autres (de leur place, de l’accès aux biens et service d’une société, de l’estime, de la rencontre, de notre écoute, de notre respect etc.). Nous nous incluons nous-même à nous-même quand nous accueillons la totalité de ce qui existe, quand nous accueillons l’autre.

Nous ne possédons rien si ce n’est notre responsabilité, tout le reste est en partage.

Nous sommes une totalité qui s‘expérimente. Nous sommes un regard qui se regarde.